Le Donjon
Le donjon de Montrichard
Si le donjon m’était conté…
En 987, Foulques Nerra devient Comte d’Anjou et hérite de nombreuses terres enclavées en Touraine, province qui ne lui appartient pas. Il saisit l’importance stratégique du village de Mont Reveau, surplombant le Cher, adossé à la forêt et situé au carrefour de l’ancienne voie romaine allant de Tours à Bourges et de l’ancienne route d’Espagne vers Saint Jacques de Compostelle. Entre 1005 et 1010, il rase le village de Mont Reveau et celui voisin de Nanteuil, pour édifier une grosse tour en bois protégée par une enceinte de pieux, sur la motte castrale en arrière du donjon actuel, qu’il appelle Montrichard (on ignore la signification de ce nom). A mi-côte, il fera construire une chapelle où il déposera un morceau de la Sainte Croix, ramené des croisades. Avant sa mort, Foulques donne Montrichard à Lisois de Bazougers, son fidèle chef militaire, filleul d’Hugues Capet, associant ainsi notre ville à la grandeur de la Maison d’Amboise.
En 1109, son petit-fils, Hugues 1er, seigneur d’Amboise et de Chaumont, fait construire le donjon de pierres, comportant un logis seigneurial pourvu de baies et d’une cheminée. Il renforce les défenses du donjon. A cette époque, le comté d’Anjou dont la Touraine appartient à la Famille Plantagenet.
En 1154, Henri II Plantagenet, comte d’Anjou, du Maine et du Poitou, duc de Normandie et indirectement duc d’Aquitaine par sa femme, parvient au trône d’Angleterre. Montrichard devient Anglais.
En juillet 1188, le roi Philippe Auguste débute le siège de Montrichard, qui durera deux mois. La ville est défendue par 42 chevaliers et 300 combattants dont 50 sont affectés à la défense du donjon. Les « taupes du roi » sapent les tours de la forteresse et les font écrouler en mettant le feu aux étais de leurs souterrains. La forteresse subit ses premiers outrages mais Montrichard est à nouveau Français.
En 1356, dans les débuts de la guerre de Cent Ans, la place forte de Montrichard est mise en état de défense. Les troupes royales passent en grand nombre dans la ville pour aller en Poitou où elles furent battues par celles d’Edouard Plantagenêt, plus connu sous le nom de Prince Noir, à Poitiers le 19 septembre 1356 et le roi de France Jean II fait prisonnier. C’est d’ailleurs pour payer la rançon que fut créé le franc en 1360.
Le 9 juillet 1418, le Dauphin, futur Charles VII, est à Montrichard avec son armée pour aller combattre les Bourguignons. Le 23 avril 1422, Montrichard reçoit le dauphin Charles venant de Bourges. Il y reviendra à plusieurs reprises en tant que roi, jusqu’à sa mort en 1461. Au château, le roi loge au rez-de-chaussée car il a répugnance à loger en étage depuis que l’effondrement d’un plancher l’a mis en péril. Vers 1436, pendant la rébellion du dauphin, le futur Louis XI, contre son père, le roi Charles VII ordonne aux gouverneurs de Blois et d’Amboise de s’emparer du château de Montrichard, ce qui est fait pendant que les maçons réparent les murs…
Dès novembre 1461, peu de temps après son sacre, Louis XI séjourne avec la reine, Charlotte de Savoie, séjourne régulièrement au château de Montrichard dans les logis royaux aujourd’hui disparus. Louis XI va faire plusieurs pèlerinages à l’église Notre-Dame de Nanteuil, venant, par voie d’eau de « Chissé » en pénitent « pieds déchaux ». Ses offrandes permettront de réparer et d’orner ce sanctuaire qui appartient à plusieurs époques. Cependant, c’est à la chapelle du château, l’église Sainte-Croix, qu’il marie, le 3 novembre 1473, sa fille Anne à Pierre de Beaujeu, cadet de la maison de Bourbon. Anne sera régente de France de 1483 à 1491. Dans la même chapelle, le 8 septembre 1476, il mariera sa fille Jeanne à Louis d’Orléans, futur Louis XII.
Le 19 mars 1589, le roi Henri III reçoit Sully dans les logis royaux du château pour négocier la reconnaissance d’Henri de Navarre comme successeur au trône. Au mois de septembre de la même année, la Ligue (union des catholiques) s’empare de la ville de Montrichard puis Henri IV la reprend en novembre. La ville s’est rendue à la première sommation. Le roi menace de faire pendre tous les Montrichardais s’ils se mettent à nouveau du côté de la Ligue. En représailles, Henri IV ordonne que le Donjon soit rasé de 12 pieds « à hauteur d’infamie ». Un nouvel outrage est infligé au donjon.
La forteresse est à l’abandon. Au XVIe siècle, les seigneurs de Montrichard ont fait construire « la Grande Maison. »
En 1749, une tour, qui dominait les marches de Sainte-Croix et la rue de la Porte aux Rois, s’écroule et entraîne dans sa chute l’horloge de la ville. « On fit un vaste mur pour le soutien des terres du château du côté où était la tour ; lequel mur doit durer longtemps ».
En novembre 1753, un autre éboulement important se produit ; « de vieilles maisons ou bâtiments énormes du château royal » s’écroulent sur la chapelle royale de Sainte-Croix. Presque tout le bas-côté nord s’effondre. Sainte-Croix devient église paroissiale en 1755 mais la restauration n’est terminée qu’en 1757.
Pendant la révolution, les salpêtriers exploitent le salpêtre des pierres du donjon pour la fabrication des munitions. La préservation du patrimoine n’est pas de mise. En juin 1794, les quatre portes de la ville vont être démantelées.
En 1877, le château de Montrichard est classé au titre des Monuments Historiques.
En juin 1940, l’ennemi a placé son artillerie dans l’enceinte du donjon et les français sont placés de l’autre côté du Cher, à Angé. Un tir malencontreux détruit une tour ronde du XVe siècle située à l’angle sud-est du donjon. Elle comportait 4 étages, avait un petit oratoire et son rez-de-chaussée servait de prison. En 1997, a été découvert sous les ruines de la tour détruite un silo à grains permettant de stocker près de 75 tonnes de grain. Cela aurait permis d’alimenter 1000 personnes pendant un siège de 6 mois.